Il faut croire qu’une coupe de champagne est toujours vouée à se déverser sur la chemise d’un homme. C’est la règle numéro 3. J’aurais préféré que ça n’arrive pas car ce soir n’est vraiment pas la soirée durant laquelle j’ai envie d’appliquer ces conseils pour trouver l’homme idéal en cinq leçons. Je dévisage le coursier, je crois qu’on s’est croisé une fois et mon regard reste bloqué sur ces trucs qu’il a sur la tête. Si j’avais travaillé au contrôle qualité de la boîte qui a inventé ces bêtises, il n’aurait jamais eu ça sur la tête.

Il aurait pu me crier dessus, après tout sa chemise est plutôt jolie contrairement à son truc sur la tête, mais non, il le prend bien. Je fronce des sourcils, je veux être sûre qu’il est bien normal ou humain, mais rien ne le trahit. Il me demande si j’étais en train de fuir. Prise la main dans le sac ! Est-ce si difficile de le deviner quand on me connaît un minimum ? Leçon numéro 4 : sourire. Je tente un sourire (ce sourire), chose que je n’ai pas l’habitude de faire.

« Si c’est pour finir comme ce pauvre DRH, je ne vois pas l’intérêt de rester ici et finir empoisonnée. »

Je ne sais pas qui a choisi ces petits fours, mais je ne compte plus y toucher. Ils veulent tous nous tuer, c’est ça ?

« Et vous, vous n’essayez pas de fuir alors que vous avez ces… choses sur la tête ? On vous y a obligé ? »

Leçon numéro 5 : faire un compliment. Est-ce que ça compte comme un compliment ça ? A part dire que toutes les pièces qui viennent d’être contrôlées sont parfaites, je n’en connais pas beaucoup. Je crois que j’ai encore du boulot avant de trouver l’idéal, même avec ces cinq leçons pourtant concises. Mon regard se perd entre ce verre vide, les ambulanciers qui s’en vont et les machins qui ornent la tête de monsieur Forto. Super soirée.

La douce le salue avec légèreté comme toujours, un vrai rayon de soleil dans sa pauvre petite journée morose coincé derrière un bureau austère. Il lui offre un verre, elle lui sourit en retour et d’un geste doux, pose sa main sur son avant-bras. Il fait montre de contenance pour ne pas tressaillir à ce contact physique auquel il ne s’est nullement préparé. Un doux compliment lui arrache un sourire benêt, tandis qu’elle accepte par la même occasion le verre qu’il lui offre. Il attrape alors une coupe à la volée sur le plateau d’un serveur qui passe, surpris, l’homme faillit faire tomber le plateau, Blake ne fait même pas attention, tant ses pensées et son regard étaient tournée vers la jolie brune. « Tenez… » Ils trinquent et boivent une gorgée de ce précieux liquide pétillant. Elle lui demande ensuite ce qu’il a de prévu pour les fêtes. Commençant à ouvrir la bouche pour lui répondre, le directeur Rageor s’écrase au sol, semblant s’étouffer. Les yeux du comptable s’arrondirent devant le spectacle bien surpris face à la situation devant laquelle il reste totalement inerte.

Une jeune femme, aux compétences médicales avérées, fond sur le corps inanimé pour lui venir en aide. Le regard de Blake se reporte ensuite sur Ged qui nonchalamment appelle les urgences. Happé par le spectacle qui s’exécute à une vitesse folle, Blake reste immobile toujours aux cotés de la douce réceptionniste. Les secours débarquent, et embarquent le DRH aussi rapidement. « Eh bien… j’espère qu’il va s’en sortir… » dit-il le regard toujours ébahit par la scène à la demoiselle. Il descend alors d’une traite le reste de sa coupe pour se redonner un peu de contenance, enfin… essayer. « Un autre ? » lui demande-t-il alors qu’analysant rapidement le contenu de son verre, à moitié plein.

« Peut-être plus tard … je suis bête, pfff ! » Il se retourne vers un serveur pour lui redéposer son verre, se mordillant l’intérieur des joues tellement il a l’impression de paraitre pour le dernier des idiots. C’est alors qu’il croise le regard d’un gars, Qayron, à faire des regards et des clins d’œil aguicheurs à plusieurs jeunes femmes, ce qui lui arrache un véritable air de dégout. Il reporte alors son attention sur Sera : « Vous êtes seule ? Pour Noël, enfin je veux dire vous êtes venue seule… je… » il cherche ses mots encore l’idiot, se mélange bafouille, se ridiculise comme d’habitude.

Erin, la coupe de champagne portée à ses lèvres arque un sourcil. Est-il en train de s’adresser à elle, en le remerciant ? Elle hésite, baissant son verre, opinant timidement. Lui aussi, semble aussi mal assuré qu’elle dans cette ambiance festive presque angoissante. Lorsqu’il lève le plateau à son égard, lui proposant un petit four, un sourire se dessine sur ses lippes.
Elle en attrape un au hasard, finissant par souffler, sur un ton un peu léger tentant de s’apaiser : « Vous voulez voir si je m’étouffe aussi ? » L’alcool délie vraiment les langues. Plaisanterie peut-être mal venue aux vues de la récente situation, alors elle finit croquer le toast dans l’espoir de ne pas s’épandre davantage dans des bêtises. Joues arrondies, elle lâche un sourire gêné, contrit, laissant son regard balayer la salle. Les iris se perdent quelques secondes sur la cigarette consumée par l’homme de la maintenance.

Peut-être devrait-elle simplement s’éclipser et de préférence, pas dans son verre. Brouhaha ambiant, cacophonie certaine, une chose est sûre, les musiques de Noël sont loin d’être ses préférées. Les yeux finissent alors par se poser sur la coupe à peine entamée de Ged. Si elle tente de se fondre dans la masse, d’étouffer son malaise avec le champagne, il n’en fait de même : il continue de se tarir dans cette ambiance. « Vous allez bien ? » Les sourcils froncés, elle se penche en tentant de discerner les signes d’un quelconque malaise. « Je sais que Monsieur Rageor est une personnalité inspirante mais si vous pouvez éviter de suivre son chemin… » Plaisanterie, encore. La prochaine fois, elle ferait mieux de boire son verre pour éviter de laisser l’alcool parler, de nouveau.
Peut-être qu’elle devrait juste s’éloigner, demander une cigarette, se réfugier dans un coin en se la grillant derrière un pot de fleur, tiens.

Le sourire de la Dame ne s’éteint pas lorsque Ged s’exprime sur le potin donné. « Cela dépend de la créativité » se contente t’elle de répondre, pensive. Il ne semble pas satisfait ou convaincu. Une autre fois. Tant pis. Les mirettes se reposent sur Blake, nerveux au possible. Les lippes s’étirent davantage laissant apparaître une dentition éclatante. En tant que réceptionniste, il y a des choix d’apparence à faire. Et une hygiène irréprochable. Cet état de nervosité émoustille Sera car la franchise de l’homme la touche, la bouleverse aussi. Mais peut-être bien que le champagne est trop fort. Ou bien le pense-t-elle vraiment, parce qu’un homme s’intéresse à elle avec égard et Et que le verre est déjà encore un quart vide. A trois-quart plein. Mais le responsable des Ressources Humaines, Alastair s’effondre . Ne l’avait elle pas prévenue ? Coïncidence ? Prise d’un moment de stress , la Dame boit une grande gorgée. Il fait désormais bien trop chaud.    Désormais le verre est à moitié vide  ou moitié plein. "Il est résistant... Enfin je crois, j'espère." au fond elle espère ne pas avoir tort, car ce serait une sacré mauvaise prédiction.

Soupirs. Elle pose un regard sur Blake qui lui propose un autre verre, bredouille et se ravise. Et puis merde. Elle s’apprête à accepter, il fait vraiment chaud non ?  Bafouilles encore du brun. Le sourire s’éternise sur les lèvres de Sera. C’est idiot quand l’alcool s’attaque à la carcasse. Un spasme secoue la silhouette, un léger rire.   « Vous savez quoi ? Je le veux bien cet autre verre. » Elle vide sa coupette, la pose sur un plateau. « Si nous allions sur le rooftop jardin ? ça vous dit, j’ai envie de prendre l’air. »  Elle l’invite avec beaucoup de naturel mais aussi assez d’alcool ingurgité rapidement. Oh elle ne se sent pas euphorique mais elle ressent juste les prémices d’une chaleur dus à la boisson. « Prenez un pichet de punch, je m’occupe de voler un plateau de petit fours » ce qu’elle fait. Attrapant un plateau doré garni de petites douceurs, Sera  prend le chemin  de la sortie de la grande salle afin de s’engager vers l’ascenseur prenant soin d’attendre Blake. « N’y a-t-il pas une pluie d’étoile prévue ce soir ? » Ce serait beau.

Visiblement, elle a fait mouche. Piqué, Ged donne du répondant, arrachant à Erin, un sourire amusé. Au moins, elle n’a pas mis les pieds dans le plat, avant de finir contrainte à se cacher derrière un plateau de mini-fours, à maudire sa tentative d’humour. Alors, l’air mutin aborde ses traits, laissant ses yeux se plisser pour jauger avec défi le « mangez sans mâcher » préconisé par son interlocuteur.
Alors elle s’y risque, y mettant quand même les crocs pour tenter de disséquer cette pauvre pate feuilletée qui a fait voir au pauvre Alastair des couleurs bien funèbres. « Mon instinct de survie ? » Et, alors qu’elle mâche malgré tout, elle manque de s’y étouffer. Peut-être à cause des propos suivant du jeune homme qui tapote le renne sur son pull. Etouffement contagieux, si Erin fait passer sa toux avec son verre, lui manque alors de s’y noyer. Son rire s’élève et elle tente de tarir celui-ci, laissant le dos de sa main couvrir ses lippes étirées.

« Eh bien, je dirai qu’il est fâché avec tout le monde alors. » À moins que lui, comme elle, ne soit trop perturbé par les environs trop festifs.
La demoiselle jauge la proposition d’un œil espiègle. Après tout, ce même renne, Eugène n’a pas manqué de vouloir la réduire au silence. Comme Alastair et s’il s’est vengé sur Ged, elle redoute encore, un peu. « Vous êtes sûr qu’il sera sage ? Vous avez manqué de vous étouffer aussi. » Erin aborde une moue pensive avant d’opiner dans un sourire. « Peut-être est-ce les bulles. Troquons le champagne contre le punch, là. » Son menton indique un récipient édulcoré.

Le regard se perd alors sur les alentours, jaugeant d'un regard curieux les personnes présentes. Sans réellement attendre une dés-approbation de la part de Ged, la demoiselle s’en approche avant de servir deux verres. Un tendu à l’égard de son interlocuteur : « Tenez. Et santé. » Elle finit par lever son verre.
Peut-être est-ce là le verre de trop. Le verre empoisonné par Eugène, même. Affaire à suivre.

Ça papote, ça complote, ça s’émoustille, l'ambiance reprend finalement, peut-être même avec plus d'entrain qu'avant les déboires du Directeur des Ressources Humaines. C'était la petite soirée de l'année après tout, le moment de sortir des cadres professionnels pour toute cette faune de l'industrie. Néanmoins, certain était bien plus à l'aise que d'autre, à commencer par Miss Qualité qui, malgré l'effort vestimentaire, avait le regard de la créature prête à détaler.

▬ " Si c’est pour finir comme ce pauvre DRH, je ne vois pas l’intérêt de rester ici et finir empoisonnée. " La confirmation de son impression apporta un nouveau soupçon d'amusement sur notre voyageur confirmé. C'était peut-être une mission pour lui, ou tout du moins un divertissement, que de confronter la demoiselle à l’imperfection de ce bain de crabes de Noël.

▬ " Allons, je suis certain qu'avec votre regard affûté et votre précision vous saurez reconnaître tout aliment suspect afin de surmonter cette épreuve. " Une apparition passe, de celle qu'on a pas vraiment l'habitude de voir en dehors de son uniforme. Non vraiment, rien que pour observer les efforts vestimentaires diverses cela valait la peine de mettre les pieds dans ce panier.

▬ " Et vous, vous n’essayez pas de fuir alors que vous avez ces… choses sur la tête ? On vous y a obligé ? " Le regard sombre du voyageur revient vers son interlocutrice qui tente vraisemblablement de comprendre une situation lui échappant, ne manquant pas d'arracher un léger rire de la gorge d'Exeden.

▬ " Pas du tout, ça traînait sous mon tableau de bord, probablement depuis mon arrêt inopiné dans un spatioport de la bordure médiane. J'ai mis un point d'honneur à le sauvegarder afin de le sortir à cette occasion. " Un plateau passe et voilà notre homme armé d'un duo de petit-fours qu'il grignote sans inquiétude pour sa vie. " Si vous voulez vraiment fuir, j'ai quelques bons tuyaux pour vous. " Sa précédente interlocutrice passa rapidement dans son champ de vision, apparemment pressée d'expectorer une certaine quantité de contenu de son estomac. " Déjà je vous déconseillerai le refuge de la terrasse ou du rooftop, on espère toujours y être seul mais ce sont des nids d'activités dans ce genre de soirée. " Amusé tout seul comme un grand, le regard d'Exeden revint vers son interlocutrice, ne serait-ce que pour vérifier qu'il ne parlait pas seul dans cette douce soirée qui ne finirait qu'à une heure bien indécente pour tous ces travailleurs de la galaxie qui mettraient bien le week-end à s'en remettre.