La dernière fois qu’Ava a vu le soleil c’est lorsqu’elle est arrivée dans la navette qui s’est posée au spatioport. Elle a laissé son vaisseau dans une station en orbite, la situation la moins onéreuse plutôt que de louer un emplacement au spatioport de Coruscant. Ensuite elle s’est rapidement enfoncé dans les étages inférieurs de la planète, ceux dont, qui étaient totalement dépourvus de lumière naturelle. Et elle avait continué de descendre jusqu’au niveau le plus bas, le plus dangereux, et le seul digne d’intérêt à ses yeux : l’Invisec.
Ava était à la recherche de quelques contrats avant de repartir de Coruscant. Y accéder devenait de plus en plus difficile, les contrôles s’étant considérablement renforcés depuis quelques mois. En même temps, vu tous les événements qui se produisaient dans la galaxie, c’était normal. Fort heureusement la jeune femme n’était fichée nulle part, à part comme citoyenne modèle.
Elle trouva quelques contrats dont elle n’avait pas l’exclusivité mais elle considéra que cela ferait l’affaire pour le moment. Elle enregistra les différentes données et décida d’aller se détendre un peu. L’Invisec regorge de bars mal famés. Les cantinas, Ava les connaît bien pour y avoir travaillé durant son enfance. Elle connaît le profil de chaque personne qui s’y trouve. Elle peut le deviner rien qu’en les regardant.
Par hasard, elle entre dans le premier bar qu’elle trouve. Les têtes se tournent vers elle mais elle n’y prête pas attention. Est-ce que c’est parce qu’elle est nouvelle ? Est-ce à cause des marques sur son visage ? Dans une heure ou deux, elle disparaîtra, et ils l’oublieront. Voir même avant si le lieu ne représente aucun intérêt à ses yeux d’ici à ce qu’elle ait fini le verre qu’elle vient de commander. Se saisissant de sa boisson, elle va s’asseoir dans un coin et la sirote, commençant à son jeu préféré de devinette. Qui est qui. Qui fait quoi. Elle est en train d’étudier un Twi’lek lorsqu’un jeune homme entre dans le bar. Il avait l’air de connaître pas mal de monde. Ava le supposa lorsqu’elle le vit les saluer. Son regard se posa sur elle un bref instant. Trop bref. Un sourire effleure ses lèvres. Il se demande qui elle est. Une inconnue. C’est intéressant. Il commande une boisson et va vers d’autres, discutant. Mais Ava n’est pas prête à lâcher si aisément. Il a piqué son intérêt. Alors elle se saisit de sa boisson, se lève et va vers lui.

« Est-ce que je te dérange ? » demande t-elle avec un charmant sourire. Trop charmant pour être véritable.

Question cash. Réponse cash. Elle ne le dérangeait pas. Le jeune homme était tout simplement méfiant. Cela ne pouvait être que de la méfiance ou elle ne s’y connaissait pas. Pourtant, cette cantina devait bien voir passer son lot d’inconnu ? Ou était-elle entrée dans la seule cantina fréquentée uniquement par des habitués ?
« Tant mieux parce que je n’ai pas l’intention de partir tout de suite » souffle t-elle en réponse à sa première question. Si elle l’avait dérangée, elle serait restée de toute manière. Elle se sentait d’humeur particulièrement taquine ce soir, ou alors, elle cherchait des ennuis. Elle hésitait encore.
La jeune homme se mit dos au comptoir, pour être face à elle. En position de discussion somme toute assez banale. Et lui demanda si c’était la première fois qu’elle venait dans cette cantina. Intéressant. Ava avale une gorgée de son verre, sent l’alcool brûlant descendre le long de sa gorge. C’était pire que de l’alcool, c’était du feu. Elle ne grimace pas. Elle a déjà bu bien pire que cela.
« Je suis sûre que tu sais très bien que oui, c’est la première fois que je viens ici. Tu as l’air d’être un habitué.  » sourit-elle. Il était un habitué. Il avait salué tout le monde ou presque, c’était évident. Elle avale une seconde gorgée, le détaille. Il est plus grand qu’elle. Jeune, mais qui a déjà vécu. Elle tends sa main libre pour la lui tendre en disant « Moi c’est Puzzle. » Puzzle. Son nom de code. Son nom d’assassin, de chasseuse de prime. Il n’était pas censé le savoir, parce qu’elle n’était qu’un assassin dans un océan de millier d’autres. Pas encore assez connue pour que son nom fasse frémir à son plus grand regret, mais elle travaillait à remédier à tout cela et à se faire connaître. Ce soir, elle n’est pas là pour tuer. Elle est juste là pour s’amuser, se changer les idées.
Elle attends, la main tendue, qu'il prenne la sienne et lui dise comment il s'appelait. Il avait l'air... Non il était intéressant, Ava pouvait le percevoir. Il y avait quelque chose en lui d'attirant, de curieux, auquel elle ne résiste pas.

Il confirme qu’il est un habitué et qu’il connaît tout le monde. C’est encourageant pour elle. Ava jette un coup d’oeil aux autres personnes présentes mais nul ne semble vraiment faire attention à elle.
« C’est mon surnom. Mais Puzzle c’est classe quand même. Rouquin c’est… banal. » répond Ava avec une légère grimace. Elle ment. Ce n’est pas son surnom, c’est bien son nom de code. Quoique, cela peut être considéré comme un surnom en quelque sorte, puisqu’elle se présente souvent comme ça. Généralement les personnes à qui elle dit s’appeler Puzzle ne réagissent pas, pas comme le Rouquin l’a fait. Il serre sa main, et fait un léger signe. Un autre verre ? Cool. Elle avale cul sec ce qui reste du sien, c’est à dire plus de la moitié. Elle évite de tousser bien que l’envie soit présente. La vache. Ils rigolent pas avec la boisson ici. Si elle continue à ce rythme elle va finir sous une table plus rapidement que prévu.
« Enchantée également, Mr Mystère » lance t-elle en se saisissant du nouveau verre. La prochaine tournée serait pour elle. Elle se pense, et se sait plus riche que lui. Il est assez bien vêtu, mais si il est ici, dans l’Invisec, cela ne peut être que pour des raisons précises. Il est pauvre. Ou il se cache. Ou alors, il aime vivre dans ces bas fonds sordides, mais même elle, avec un métier comme le sien, n’y élirait pas résidence. En parlant de résidence, elle n’était peut-être pas la mieux placée pour parler. Elle dormait presque tous les soirs dans son vaisseau qui avait l’air d’une épave, sur la couchette défoncée de la pièce qui lui servait de salon parce qu’elle n’avait même pas un lit digne de ce nom. Enfin peu importe, ses raisons le regarde lui. Ava préfère qu'il garde un peu de son mystère qui fait son attrait. Elle ne peut pas toujours tout savoir, ou le penser.

« Alors comme ça, t’es un habitué, tu vis dans le coin ? » demande t-elle. Elle peut bien poser des questions, libre à lui de répondre. Ou pas. Ava ne s’ennuyait pas. Pas encore. Mais elle pressentait qu’elle ne s’ennuierait pas ce soir. Tous les deux commençaient à jouer à un petit jeu de faux semblants et cela lui plaisait. L’amusait un peu. Et la boisson allait peut-être l’aider.

Ava décida que son surnom serait Monsieur Mystère. C’était mieux que Rouquin. Mais les deux étaient quand même très mauvais. Elle n’avait pas beaucoup d’imagination ce soir, mais, en avait-elle eu un jour ? Peut-être qu’il vivait là. Peut-être pas. « En ce moment, je n’ai nul part où dormir, mon vaisseau est stationné en orbite. » répond-elle. C’est vrai, aucun plan pour la nuit, sans doute va t-elle finir dans un appartement miteux loué à la nuit. Elle grimace d’avance, autant dormir par terre. Sauf qu’elle pourrait se faire tuer, ou dérober ses précieuses armes et elle s’y refuse. Il lui faudrait remonter de quelques niveaux histoire de trouver quelque chose à la limite de la décence. « Mais mon vaisseau est mon chez-moi oui. » Au moins elle avait un vaisseau. Avait-elle un autre chez elle quelque part ? Elle était chez elle sur Tatooine. Elle était chez elle sur Alderaan. Pas besoin d’avoir un toit sur la tête ou un lit douillet qui l’attendait quelque part.

« Dit, je me demande, c’est quand la dernière fois que t’as vu la lumière du soleil ? T’as l’air tout pâle. » lance t-elle en souriant. Il était pâle parce qu’il était roux, il fallait être idiot pour ne pas le savoir, mais Ava a envie de le chercher un peu. Tout en restant cordiale, ou en essayant. Le but ce n’était pas de le faire fuir, juste de le titiller un peu tout en cherchant à en savoir un peu plus sur lui. Mais à chacune des questions qu’elle posait, il esquivait, agile comme une anguille. Ou comme quelqu’un qui avait l’habitude de ne rien dévoiler sur lui. Sauf que cela lui donnait encore plus envie d’en savoir sur lui. Fuis moi je te suis, en quelque sorte. Elle avale une gorgée de son nouveau verre, une petite cette fois-ci, tandis qu’elle continue à fixer le Rouquin. Elle est vraiment sans gêne ce soir, encore pire que d’habitude. Ava ne s’encombre que rarement avec les manières, et les diverses étiquettes, elle fonce, la tête baissée, sans se soucier des autres. Comme quand elle tue, elle y va, le fait, et s’en va. Proprement. Rapidement.
Si ça se trouve, elle était face à quelqu'un de dangereux et elle le cherchait sans mesurer le danger. Mais peu lui importait, elle adorait le danger. Il ne fallait jamais se fier aux apparences. Mais cette constatation lui parvenait un peu tard.

« Qui te dit que je viens ici pour dormir ? » lui réponds Ava. Il fallait être stupide pour dormir ici comme elle le savait ici, ou ne pas avoir le choix. Ava savait se défendre, plutôt bien, comme tuer était son métier elle avait dû se frotter à toute sorte d’individu. Mais elle préférait se faire ignorer, être une ombre plutôt que de se tenir en pleine lumière. Être discrète, ne pas se faire repérer. Cela lui facilitait ainsi considérablement la tâche, surtout dans des lieux tels que celui-ci. D’ailleurs, c’était dans l’Invisec qu’elle avait effectué son tout premier contrat. Dans une cantina miteuse, au milieu d’une foule dense. Elle l’avait tué au milieu de tout le monde, s’était échappée avant qu’on ne le remarque. Sa première réussite. Il y avait eu des échecs, rares, mais dont elle avait payé le prix. L’important était qu’elle demeurait toujours en vie.
Le rouquin lui confirme qu’il vit dans les bas fonds, ce qu’Ava avait déjà deviné depuis un petit moment. Par contre elle fut réellement surprise de savoir qu’il y vivait depuis qu’il avait dix-sept ans. Il avait quoi ? Vingt-cinq ans ? Elle remarque une cicatrice. Sans doute en a t-il d’autres. C’était le prix à payer pour vivre ici. Ou plutôt pour survivre. « ça craint  » souffle t-elle. Mais c’était sûr qu’au moins, il évitait les coups de soleil. Il fallait bien trouver des arguments positifs. Il lui posa la même question et Ava ne put s’empêcher de sourire. C’était mérité.
« Eh non je ne bronze jamais. Des années sous le soleil brûlant de Tatooine ne m’ont rien donné d’autre que des joues brûlées mais jamais hâlées. » Première vérité énoncée depuis qu’elle est ici. Elle aime le soleil Ava, bien qu'elle craigne comme toute personne raisonnable sa brûlure.

« Tu t'en iras peut-être un jour » fait Ava, mais elle-même n'est pas convaincue. Quand on est ici, aussi bas, c'est dur de se remonter, même si il n'y a que ça à faire, ou à tenter de faire. Quitter une planète quand on a rien, c'est dur. Mais peut-être n'en avait-il pas envie. C'était sa vie, ses choix. Ava ne le connaissait pas.

Chandrila. Elle n’y était jamais allée mais avait entendu louer la beauté de la planète. Elle était surprise d’entendre que le rouquin s’était déjà rendu sur Tatooine. Ce n’était pas une planète très bien fréquentée, tout ce qu’on pouvait y trouver, c’était des ennuis et des hors la loi. Ava se demanda ce qui avait pu amener ce jeune homme à se retrouver ici, dans les bas fonds de la planète cité.
Ava lut quelque chose dans son regard qu’elle n’identifia pas, mais le suivit lorsqu’il lui fit signe. Ils allèrent faire un coin plus tranquille de la cantina, où le jeune homme avait raison, ils s’entendraient mieux. Il s’assit sur une banquette et Ava prit place en face de lui. Elle remarqua avec un peu de retard que des soldats venaient d’entrer, des Impériaux. Elle fronça les sourcils. Elle n’a pas peur, si ils sont là pour des contrôles d’identité, elle est totalement en règle.

« Le bon moment ? » fait-elle en jouant avec son verre, observant le liquide. Le bon moment. Intéressant choix de mot. Il ne pouvait pas s’en aller maintenant parce qu’il ne le pouvait pas, et elle doutait que l’argent soit en cause. C’était un débrouillard, cela se voyait. Il ne pouvait pas. Des soldats impériaux étaient entrés, il était parti vers le fond de la cantina. Un coin plus tranquille. Plus discret. Pour se fondre dans l’ombre. Même si parfois, c'était en pleine lumière qu'on se cachait le mieux, sous les yeux de ceux qui nous recherchaient.
« Pourquoi te caches-tu? » demande Ava tout en sachant que sa question restera sans réponse. Elle est une chasseuse de prime, et pourtant, il ne représente aucun intérêt à ses yeux, cela même si il avait une prime énorme sur la tête. Elle, elle tue. Elle ne touche pas aux gens qu’on veut vivant.

Ava suit du regard ce qu’il sort de sous son poncho. Elle n’en a jamais vu auparavant mais elle devine aussitôt ce que c’est. Putain. Un sabre laser. Ce qui veut dire que… Elle lève ses yeux sur le jeune homme. Les ferme un bref moment. Pas possible. Il le recache aussi vite qu’il l’a sorti. Tout s’explique. Pourquoi il est dans les bas fonds. Parce qu’il n’a jamais quitté Coruscant depuis la purge. Il ne peut pas. Ava le plaint. « Tu es fou » souffle t-elle. Oui il était fou. Un Jedi recherché, cela valait sûrement des milliers de crédit. Elle se contente de le fixer, toujours stupéfaite et ébahie. C’est le premier utilisateur de la Force qu’elle rencontre. Elle n’en a jamais connu d’autres avant, ou alors, elle l’ignorait. « Moi je suis là pour chercher des contrats. » lui répond-elle un peu brusquement. Elle ferme les yeux une nouvelle fois. Ne pas s’immiscer dans les affaires des autres, c’était un de ses crédo. Pas dans celle de l’Empire, ni dans celle des Hutt pour survivre plus longtemps.

« Ava. Je m’appelle Ava. Ava Odan » finit-elle par dire. Que vaut son identité face à la sienne après tout ? Rien. Rien du tout. Elle repose ses yeux sur lui. Elle sait officiellement ce qu’il s’est passé, six ans auparavant. L’Empereur s’était déclaré comme tel suite à un soit disant complot des Jedi pour renverser la République et prendre le pouvoir. Les Jedi avaient été exterminés, et l’Empire instauré. La République était morte. Cela ne présentait pas vraiment d’intérêt aux yeux de la jeune femme qu’elle était alors, cela ne changeait rien à son quotidien et à sa vie. « Je suis une chasseuse de prime. Un assassin pour être plus précise. » Mais elle ne précisa pas qu’elle ne représentait pas de danger. Enfin, techniquement si, un assassin était toujours dangereuse. Mais ce n’était pas elle qui irait le dénoncer. Oublier ce qu’il avait dit, ce qu’il était, l’enterrer au plus profond de sa mémoire en espérant que personne jamais ne vienne y chercher ce qu’elle savait désormais. Le secret avait un prix, et un poids.

Oui les contrats ici pleuvaient. Une vie valait quelques crédits seulement. Une bouchée de pain. Même pas. Caanan Maadra. Oui, c’était mieux que rouquin ou mystère. Beaucoup mieux. Elle pouvait mettre un prénom sur ce visage. « Enchantée de te rencontrer enfin, Caanan. » fait Ava.
Elle l’écoute ensuite. Il n’est pas effrayé par ce qu’elle est, c’est un bon point. Mais quand à être belle, de quoi parle t-il ? Est-elle belle physiquement ou intérieurement ? Elle a entendu dire que les utilisateurs de la Force sentent des choses que les autres, les personnes normales ne peuvent pas sentir. Peut-être le sent-il.
Caanan dit être un Padawan. De niveau Padawan. « Tu n’as pas fini ton entraînement c’est ça ? » demande t-elle. L’Ordre Jedi, elle n’en a pas entendu tant parler que cela. Elle a grandi dans l’Espace Hutt, et ensuite, elle s’est dévouée à son entraînement. Ce qui se passait en dehors de ça ne l’avait jamais intéressée. Une des seules choses qu’elle savait, c’était que seul le beskar pouvait contrer un sabre laser. Et seuls les Mandaloriens avaient des armures en beskar. Elle se demande si ils se battaient, qui l’emporteraient. Elle ne mesurait pas ce qu’était la Force, une fois utilisée.

Il se leva en lui proposant de sortir, ce qu’elle accepta. Mais au lieu de l’attendre sagement, elle se saisit de son verre qu’elle vida, avant de le saisir par le bras. Elle se colla contre lui, comme l’aurait fait une femme amoureuse en le regardant, puis elle l’entraîna vers la sortie tout en jetant un coup d’oeil aux soldats. Un couple ça se fait toujours moins remarquer qu’une ou deux personnes solitaires. Et puis si il le fallait, une démonstration d’affection suffirait à les éloigner pour de bon. Les gens détestaient les démonstrations d’affections publiques.

Une formation non terminée. Ce n’était donc pas un Jedi. Il lui semblait quelqu’un de tout à fait normal. Méfiant, mais il avait raison de l’être puisqu’il était traqué. Sa seule faute ? Encore respirer. Ava espérait qu’il s’en sortirait, mais elle ne pouvait lui être d’aucune aide. Cela la dépassait.
Ils s’éloignèrent de la cantina, traversèrent quelques rues. Elle lui tenait toujours le bras, mais son autre bras, sa main était à proximité de ses armes. Toujours. Elle était prête à dégainer, à se défendre si quoi que ce soit bougeait.
Ils s’arrêtèrent dans une ruelle. Ava était presque perdue. Elle avait un bon sens de l’orientation, mais ces ruelles étaient de vrais dédales sombres. De vrais coupe-gorges.

« Plus tranquille oui, c’est sûr. » confirme t-elle. Plus tranquille. Plus sombre. Plus dangereux. Et sans rien à boire désormais mais cela convenait à Ava. Ses plans de rouler sous la table cette nuit avait changé. Elle avait dégrisé d’un coup lorsque Caanan lui avait avoué son secret.   « Tu as du vivre des épreuves terribles que je ne peux même pas imaginer. » Certes elle avait été esclave pendant dix ans mais… cela n’était rien. Son monde ne s’était pas effondré en un instant. Elle n’avait pas tout perdu, n’était pas obligée de vivre cachée ici. Elle ne survivrait pas ici. Certes les bas fonds étaient grands mais… se savoir prisonnière ici, elle en frissonnait d’avance. Pour Caanan c’était différent, il n’avait pas le choix.
La jeune femme commençait à apercevoir ce que l’Empire cherchait à tout prix à cacher. Sa vilenie. Sa tyrannie. Elle n’était pas sûre d’aimer cela. Mais elle ne pouvait rien y faire. C’était ainsi. La vie était un cycle. La roue tournerait. Un jour. Tant qu’il y avait de l’espoir.

Il était évident que dans la galaxie en cet instant, quelqu’un vivait toujours pire que nous. Ava avait vécu ses premières années en tant qu’esclave avec une certaine lucidité certes, mais aussi innocence et naïveté. Le seul plus grand danger auquel elle pouvait faire face, étant la séparation d’avec sa mère, ce qui était arrivé. Elle n’avait jamais pensé qu’on aurait pu se débarrasser d’elle juste par plaisir, qu’on aurait pu la tuer juste pour en rire, en un claquement de doigt et que personne n’aurait protesté parce qu’elle n’était rien ? Elle avait autant de valeur qu’un meuble, qu’une chaise. Et bien moins qu’un droïde.
Caanan lui expliqua qu’il ne pouvait pas utiliser la Force. Mais Ava ne comprends pas ce que cela veut dire, cela lui coûte t-il de s’en couper ? Elle sait ce qu’est la Force, une énergie, présente en chacun des êtres de la galaxie. Mais seuls les utilisateurs de la Force, les personnes assez sensibles pour la percevoir, parvenait à la maîtriser. Ava n’était pas ces personnes là mais cela ne l’empêchait pas de respecter cette Force qui faisait l’équilibre. Les chiens de l’Empereur. Elle se doute qu’il ne parle pas de soldats, mais de personnes plus puissantes, et plus dangereuses. Sans doute des personnes qui traquaient spécialement les Jedi. Seul un Jedi pouvait tuer un Jedi non ?

Il lui expliqua ensuite qu’il connaissait des endroits assez beau dans les bas fonds. Ava le regarde avec une légère moue, puis jette un coup d’oeil aux alentours. Certaines rues sont plus éclairées que d’autres, par des lumières artificielles clignotantes, voir défaillantes. Des fils pendaient ça et là, parfois avec toujours du jus à l’intérieur, d’autres jetaient des étincelles potentiellement douloureuses voir mortelles. Mais elle voulait bien le croire quand il disait qu’il n’y avait pas que des personnes mal lunées. Après tout, elle venait de Tatooine, une planète fréquentée par les contrebandiers et autres hors la loi et elle y avait été heureuse avec les esclaves. Un sourire éclaire le visage de Canaan tandis qu’il se saisit de la main d’Ava. Ce n’est que sa main, alors elle la lui laisse même si elle a envie de lui faire remarquer qu’elle peut très bien le suivre à vue. Qu’il n’a pas besoin de lui tenir la main. Elle le trouve rafraîchissant.

Elle le suit sans trop de difficulté. Sa silhouette a beau être assez fine et élancée, Ava a passé des années à s’entraîner pour contrôler le moindre de ses gestes, le moindre de ses muscles. Lors de ses chasses, chacun de ses mouvements est calculé et précis. Son but est de tuer le plus rapidement possible sans se faire repérer. Lors des combats, elle risque de perdre et c’est un risque qu’elle ne se risque pas à prendre. Elle s’arrêta lorsqu’il s’arrêta au bord d’un bâtiment. Tant de niveaux se trouvaient encore sous leurs pieds, mais plus encore au-delà d’eux. Un gouffre immense dans le ciel qui donnaient à voir les niveaux supérieurs. Cela devait être terrible de venir ici lorsqu’on vivait là, pour voir ce qu’on ne pourrait pas avoir. En rêver.
Elle s’assit à ses côtés, souriant à sa dernière remarque. « Pour s’y cacher oui c’est sûr. » Et elle ne dit rien de plus. Elle ne voit quelle autre qualité l’Invisec a. « Et la vue d'ici est vraiment pas mal, mais cela ne te donne pas envie de remonter là-haut? » Ne regrette pas ce que tu as perdu ou ce que tu ne peux avoir, lui fait une voix dans sa tête. Il ne fallait jamais regretter, ni désirer, ou trop espérer.

Elle est assise sur le bord de cet immeuble, avec cette vue irréelle en face d’elle. Elle n’aime pas Coruscant, ni les niveaux inférieurs, ni les niveaux supérieurs. Tout est trop technologique ici, tout est faux. Ava a grandi à Tatooine, puis sur Alderaan. Entre désert et montagnes. Des lieux naturels, et magnifiques en ce qui concernait Alderaan. Elle aimait Alderaan bien que Tatooine comptait plus à ses yeux. A cause de sa mère. Parce que même si la vie avait été difficile, elle avait été aimée et avait aimé, ce qui ne s’était plus produit depuis.
Caanan lui demande d’où viennent ses tatouages. Elle sourit. Tout le monde lui pose toujours la même question.

« Je les ai fait faire » dit-elle simplement. Cela faisait quoi, neuf ans ? Quelque chose comme ça. Neuf ans et pourtant ils faisaient parti d’elle intégralement qu’elle avait presque oublié à quoi elle ressemblait sans.  Ses tatouages marquaient une naissance, la sienne. Ou plutôt une renaissance. Plus la petite fille esclave, plus l’adolescente bâtarde et affranchie. Elle marquait  celle de la naissance de celle qu’elle était devenue, celle qu’elle était aujourd’hui. Et si Caanan voulait savoir d’autres choses à propos de ses tatouages, comme leurs significations, il devrait encore lui poser une question parce qu’Ava prenait un malin plaisir à répondre précisément à une question, sans s’étaler plus, ce qu’elle aurait très bien pu faire.

Elle observa ensuite Caanan qui avait sorti son sabre laser. Cela devait être le seul vestige tangible de l’époque où il était Padawan. Une époque révolue. Perdue dans les méandres des mémoires, voir oubliée. Elle n’avait jamais vu de sabre laser avant ce soir. Même pas en action. Si sa mémoire était bonne, la lame devait être bleue. Dans l’Espace Hutt, on ne parlait pas vraiment des Jedi. Et sur Alderaan son entraînement l’avait tenue trop occupée. D’autant plus qu’elle s’était destinée à être un assassin, pas un espion. Son père était un espion, du moins elle le croyait. Mais elle n’en avait jamais eu la confirmation. D’ailleurs, elle n’en entendait guère parler. Elle avait une famille, des membres qui en faisait parti mais elle n’était rien pour eux et ils n’étaient rien pour elle. Ils ne portaient même pas le même nom et si son père avait réussi à avoir des enfants, des enfants légitimes, elle serait sans doute restée à jamais une esclave.
Le jeune homme range son sabre laser et se relève lentement. Ava l’imite plus rapidement tandis qu’il lui demande si elle avait une envie particulière. Elle lui répondrait bien qu’elle veut continuer à se saouler mais elle ne le dit pas. C’est faux. Elle n’a rien à faire, rien de prévu. Ses contrats ne se trouvent pas sur Coruscant. Elle choisit toujours sesc  contrats avec soin, surtout quand elle n’a pas l’exclusivité, et elle les choisit loin si possible. Il y a quelques années cela ne lui faisait pas peur de tuer ici mais les temps ont changés. Les contrôles ont été renforcés. Ava n’a pas envie de finir dans une prison impériale ou pire, de devoir travailler pour l’Empire. Sa liberté, c’est son joyau, sa raison de vivre. Elle ne s’immisce dans aucun conflit et c’est sans doute l’unique raison pour laquelle Caanan ne risque rien avec elle, quand bien même la prime sur sa tête doit être énorme, comme pour toutes celles des Jedi survivants.

« Pas vraiment. Juste des questions. » fait-elle « Comment tu fais pour vivre ici ? Tu bosses à la cantina ? » ça aurait été logique qu’il y travaille vu qu’il connaissait tout le monde, comme elle l’avait remarqué lorsqu’il était entré.

Caanan s’approche d’elle pour mieux observer ses tatouages. Si il avait été un inconnu, cela ferait un petit moment qu’il serait déjà à terre, probablement assommé ou alors en train de souffrir pour l’avoir fait chier. Mais elle ne fit aucun mouvement, se contentant de le laisser faire et de le regarder avant de répondre à ses questions, plus précises cette fois-ci.
« Le plus important pour moi, c’était d’effacer celle que j’étais avant, pour devenir quelqu’un d’autre. Alors ces tatouages n’ont que cela comme signification ; ma renaissance. Ce sont des lignes, tracées uniquement dans ce but et pour ne pas m’enlaidir. Des traits qui rappellent les motifs qu’on tapissent sur Tatooine. Les symboles tribaux mais sans message particulier autre que le mien. » Il ne sait pas que c’est une ancienne esclave, parce qu’elle ne l’a pas dit. Parler de son passé ne la gêne pas. Donner le pouvoir aux gens de croire qu’ils peuvent apprendre à la connaître non plus. Qui la connaît au fond ? Personne, à part elle-même. Elle se connaît mieux que quiconque ne la connaît. Cela lui suffit.  «  Le tatouage que tu vois sur mon menton continue jusqu’au dessus du nombril et se finit par trois points. J’ai également trois points sur chaque clavicule. J’en ai un sur chaque pied également.  » Pourquoi descendait-il si bas ? C’était une bonne question. Elle avait fait confiance au tatoueur. Lui avait laissé sa peau comme toile.

Elle suivit Canaan lorsqu’il lui fit signe de la suivre et ils se remirent à marcher. Marcher ne déranger par Ava. Elle pouvait marcher pendant des heures. Il lui expliqua qu’il travaillait dans une usine de démantèlement. Au nez et à la barbe de l’Empire. Une bonne cachette, mais un métier qui devait être dangereux. Cela la renvoya à son passé, lorsque, esclave, elle en était réduite à fouiller dans les carcasses pour récupérer quelques pièces qu’elle tentait de vendre pour une misère. Il faisait aussi des combats clandestins. Il était plus coriace qu’il n’y paraissait. En même temps, il se cachait sous son poncho. Il avait raison. Cela expliquait sans doute les cicatrices de son corps. Plus elle le suivait, plus elle percevait du bruit. Des cris. Retour à la civilisation en quelques sortes. De nouveaux des cantinas. Ou des arènes. Au choix, cela devait dépendre des moments. Ava se battait toujours au corps à corps lorsque c’était nécessaire, mais jamais elle ne pourrait participer à des combats clandestins. Elle mourrait. Elle était vive, rapide, souple. C’était là sa force. Mais de force physique, elle en possédait peu. Oh, elle était musclée, légèrement, plus qu’une femme lambda. Mais face à des hommes, à des brutes, elle ne ferait pas le poids, pas à mains nues en tout cas.

« Peut-être qu’un jour, tu parviendras à t’échapper d’ici. » dit-elle simplement. Elle l’espérait pour lui. Il méritait mieux que de rester caché ici. A survivre. Mais en attendant son heure, il avait raison d’être ici, et d’attendre. Quel autre choix avait-il ? Rester ici, c’était sa seule chance de survie pour l’instant. « N’as-tu pas peur de te faire repérer en combattant ? » demande t-elle encore une fois. Peut-être qu’il était mauvais après tout, elle n’en savait rien, elle ne l’avait pas vu, mais elle en doutait.