Au début, elle avait cherché sa mère. Elle avait espéré la retrouver. Elle était retournée à Mos Espa, au quartier des esclaves pour voir que l’appartement qu’elles occupaient s’étaient effondrés, comme tant d’autres. Les maîtres ne se souciaient pas de les réhabiliter. On était sur Tatooine. Il n’y avait rien à gagner ici. Ava l’avait cherchée des mois, mais elle n’était plus là. Alors un jour elle avait cessé, se contentant de ses souvenirs.
Mais comme à chaque fois qu’elle revenait sur sa planète natale, les souvenirs l’envahissaient. Ce n’était plus Mos Espa la capitale, mais Mos Eisley, une ville située plus au sud. Les Hutts s’y étaient installés, alors la population avait suivi.

Ava atterri au spatioport et descend de son vaisseau. Dès qu’elle ouvre la porte, un souffle chaud la fait presque suffoquer. Cette chaleur lui a tellement manqué. Brûlante. Étouffante. Et ce bruit. Celui des moteurs des vaisseaux, des droïdes. Que faire ? Aller boire un verre, observer les gens ? Non, Ava doit trouver un contrat. Tatooine est un bon endroit, même si ce n’est pas le meilleur. Nar Shadda aurait été plus indiqué. Elle sourit en sortant de l’emplacement tandis qu’elle donnait quelques crédits pour le payer. Le ciel était bleu et limpide mais un léger vent soufflait, remuant le sol dans une légère poussière qui s’élevait. Peut-être était-ce annonciateur d’une tempête de sable à venir.

Un éclat métallique au sol, éclairé par les rayons du soleil attire son regard. Ava se penche pour le ramasser, en profitant pour se couvrir le bas du visage avec un bout de tissu pour ne pas respirer trop de poussière et se protéger un peu. Un boulon. Elle sourit en pensant que par le passé, elle aurait harcelé tout le monde qu’elle aurait croisé pour le vendre. Le boulon est brûlant dans sa main. Par curiosité elle décide de s’enfoncer dans les rues de Mos Eisley, pour se promener. Chose que toute personne normale ne ferait pas pour plusieurs raisons. La première étant la chaleur, toute personne saine d’esprit irait se réfugier à l’intérieur où il y avait de la ventilation. Ensuite, ce n’était pas joli à voir. Et pas franchement bien fréquenté.
Après quelques minutes de marche, elle s’arrêta devant une boutique qui lui semblait vaguement familière. Elle observa l’intérieur. Des droïdes partout. Un sourire naît sur ses lèvres lorsqu’elle se souvient qu’il lui arrivait d’y entrer lorsqu’elle était enfant et qu’elle avait quelques pièces à vendre. Elle était tenue par un gamorréen dont le temps avait effacé le nom de sa mémoire. En revanche elle se souvenait de l’adolescent qui y était esclave. Comme elle. Elle se souvenait qu’il était gentil et la curiosité la poussa à pénétrer dans la boutique.
Ses yeux furent aussitôt attirés par les droïdes qui étaient de trop bonnes qualités pour être exposés sur une planète aussi miteuse que Tatooine. Elle tient toujours le boulon entre ses doigts. Un léger bruit attire son attention dans le fond de la boutique tandis qu’elle voit un homme. Combien de temps cela fait-il ? Vingt ans presque. Elle qui pourtant vient souvent à Tatooine n’est jamais revenue ici. Peut-être qu’elle pensait qu’elle avait perdu tout le monde, comme sa mère. Que tout ceux qu’elle avait connu n’étaient que des fantômes de son passé. Était-ce lui, au moins ? Et si c’était lui, reconnaîtrait-il en la femme tatouée la fillette qu’elle était ?

« Salut » fit-elle simplement en s’accoudant au comptoir. Cela ne pouvait être que lui. Elle reconnaissait cette silhouette longiligne.

Il l’observe un instant sans rien dire. Sans doute cherche t-il à savoir qui est cette inconnue qui l’aborde familièrement. Mais finalement, un sourire illumine son visage, un sourire qu’elle rend sans même s’en rendre compte. Il prononce son prénom et la jeune femme se sent étrangement soulagée. Elle supporte son regard. Elle l’observe aussi. Il était plus âgé qu’elle et avait le moins changé physiquement, contrairement à elle. Son visage avait gardé quelques rondeurs enfantines, mais c’était une femme, plus une fillette. Il n’aurait pas été étonnant qu’il ne la reconnaisse pas.
Il se leva et vint à elle pour la prendre dans ses bras. Elle se laissa faire, et lui rendit même son étreinte avec enthousiasme. Parfois, cela faisait du bien d’oublier le présent, ce qu’elle était devenu. Et elle avait besoin de se changer les idées. « J’y crois pas ! » fait-il en s’écartant mais en laissant ses mains sur ses épaules. Ava sourit toujours, un sourire qui illumine son visage. « Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu vas bien ? »

« Je… Je passais dans le coin à vrai dire. » répondit-elle simplement. Pourquoi n’était-elle pas venue plus tôt ? Elle se le demandait tout en connaissant la réponse, pour ne pas avoir peur de ce qu’elle aurait pu voir ou ne pas voir, découvrir ou ne pas découvrir. « Et oui, je vais bien. Je suis libre ! » fit-elle. Elle était libre depuis dix-neuf ans et pourtant, c’était la première fois qu’elle le disait à voix haute parce qu’elle savait qu’il comprendrait. Il avait vécu la même chose. Mais elle se mordit la lèvre, observant la boutique. Aucune trace d’une autre présence. « Et toi ? Comment vas-tu ? Où est ton maître ? » Pour Ava, sa présence ici, dans cette boutique ne voulait dire qu’une seule chose, il était toujours esclave. Les Gamorréens n’étaient pas du genre à affranchir des esclaves, surtout masculins et avec une telle capacité. Joden avait toujours été brillant, il aurait fallu être totalement stupide pour le libérer. Mais continuer à le faire travailler ici, cela elle ne le comprends pas. Elle prend ses mains dans les siennes, les sert, en priant pour qu’il lui annonce une bonne nouvelle. Qu’il était libre. Qu’il n’avait plus rien à craindre. Comme elle.
Elle ne supporterait sans doute pas de savoir qu'il est encore esclave. Elle a de plus en plus de mal avec cette notion depuis qu'elle sait qu'elle est libre. Parfois la nuit, Ava se réveillait encore en sueur, se pensant esclave à nouveau. La liberté avait un prix, Ava le savait pour avoir été prisonnière des années durant. Elle n'était pas prête à renoncer. Elle préférerait mourir que d'être esclave à nouveau. La liberté avait été dure à accepter au début, quand on ne sait pas ce que c'est. Mais sa vie avait été chamboulée. Elle se souvenait de son départ, si soudain. Achetée, elle avait du partir immédiatement, sans dire au revoir à personne. Pas même à sa mère.

Il était libre également. C’était un soulagement. « Mais… et ton émetteur ? » demande t-elle. Elle ne s’exclame pas qu’elle est ravie, alors qu’elle l’est. Non, tout ce qu’elle veut savoir c’est si l’émetteur qu’on implante quelque part dans le corps de chaque esclave est toujours actif. Si son maître est parti comme ça -départ très bizarre mais heureux-, alors qu’en est-il de cet émetteur qui a le droit de vie et de mort sur un esclave ? Celui d’Ava a été désactivée quelques heures après son rachat, et son arrivée sur Alderaan. Elle le sait, tout comme elle sait que l’émetteur est toujours dans son corps, car personne n’a pu le lui retirer, ayant été implanté le long de sa colonne vertébrale. On pourrait le lui retirer, mais ce serait une opération lourde, et Ava n’avait vraiment pas envie de ça. Elle s’était juste assurée que plus jamais on ne pourrait l’activer.

Tout en l’entraînant à l’arrière de la boutique, il lui demanda ce qu’elle devenait en déclarant qu’elle avait l’air d’une vraie guerrière. Elle sourit, devinant qu’elle devait cette remarque sans doute à ses tatouages faciaux qui étaient un peu impressionnants même si personnellement elle les adorait. Elle les trouvait magnifiques et ne les regrettait pas une seule seconde. Ils faisaient parti d’elle. Joden s’adressa à un droïde, GG, lui demandant de garder la boutique. A sa grande surprise il se déclara ravi de faire sa connaissance. « Oui, ravie aussi GG. » répond t-elle tout en souriant à la remarque du droïde. Ami organique. Les années n’ont donc pas changé Joden, qui doit toujours passer tout son temps libre au milieu des droïdes et de ce qui allait avec.

« Je suis devenue chasseuse de prime » fait-elle simplement. C’était un petit mensonge, la vérité étant bien plus sombre. Elle était pire qu’une chasseuse de prime parce qu’elle ne laissait aucune chance aux gens qu’elle traquait. Elle les tuait. Comment lui dire ? Ce serait si facile, s’asseoir là, déballer l’histoire de sa vie. Lui dire que son père, un noble !, l’avait achetée, emmenée dans sa famille où on était soit assassin, soit espion. Qu’elle avait choisi le premier métier. Qu’elle avait une famille, alors que lui n’en avait pas, qui la méprisait parce qu’en plus d’être une ancienne esclave elle était une bâtarde. Ava n’avait aucune raison de se plaindre. Elle avait eu de la chance.

« Et toi ? Tu bouges de temps en temps de ce tombeau j’espère ? » Le tombeau étant la planète, pas sa boutique. « Tes droïdes sont magnifiques, tu es vraiment très talentueux. » Trop pour ce trou à rat, pensa t-elle.

Joden ignorait qu’il avait un émetteur. Ava en resta presque bouche bée, elle pensait que tout le monde était au courant ! Mais après réflexion c’était logique que ce ne soit pas le cas. « Normalement tous les esclaves en ont un, pour les tuer si ils tentent de fuir » explique t-elle. « Chaque esclave a son émetteur quelque part en lui, mais personne ne sait trop où. Il te faudrait un scanner pour savoir. » Enfin, si personne n’avait désactivé celui de Joden sans doute était-il toujours actif. Mais puisque son maître avait fui, c’était une situation particulière et Ava comprenait qu’il ait repris sa liberté. Plus de maître, plus d’esclaves. Et si il revenait un jour, cet Axor, elle se doutait qu’il serait particulièrement bien accueilli par Joden. Une fois qu’on a goûté à la liberté, impossible de se laisser asservir de nouveau sans rien faire.

Être chasseuse de prime n’était pas un métier de plus facile non. Il y avait tellement de concurrence, trop de concurrence, c’était pour cela qu’Ava était spécialisée dans les assassinats et se considérait plus comme un assassin que comme une chasseuse de prime. Elle se présentait comme tel parce que cela faisait plus correct, mais dans le fond il n’y avait pas grande différence entre les deux. Il y avait des contrats, des cibles. Les chasseurs de prime devaient simplement livrer la cible en vie dans la plupart dans cas à des gens qui les voulaient morts, donc, par ricochet, ils participaient à leurs morts. Elle la causait directement. Joden enchaîna ensuite sur le sujet de sa boutique et Ava ne développa pas plus sur son métier. Tout le monde savait ce qu’était un chasseur de prime, ce qu’il faisait. Elle fut contente de savoir qu’il avait des commandes, cela expliquait pourquoi il était toujours ici. Parce qu’il y avait du travail malgré tout. Ava n’y connaissait presque rien en mécanique à part les bases. Ce qui était déjà bien.
Quand Joden lui propose un compagnon de route, Ava hausse les épaules. « J’ai un vieux droïde astromécano mais si tu me proposes mieux je ne dis pas non. » Ava investit sans aucun problème dans des outils de qualité. Tant qu’il était silencieux, cela lui irait. Pas comme GG c’était sûr, ce droïde était selon Ava trop envahissant mais surtout pire à ses yeux : trop présent. Et donc, on pouvait s’y attacher. Ava refuse de trop s’attacher, elle sait que toutes choses finissent par mourir. Que cela cause la même douleur à chaque fois, mais elle ne parvient pas à s’en remettre entièrement et refuse d’être blessée. Alors elle refuse d’aimer trop. De s’attacher trop. Et elle se sait faible au point de ne pouvoir résister à un droïde raison pour laquelle celui qu’elle possède, rouillé, mal entretenu, et silencieux lui convient parfaitement.

Il ignorait que tous les esclaves avaient un émetteur. Elle le vit à sa réaction, inscrite sur son visage un bref instant avant qu’il ne se décide à trouver ou à fabriquer un scanner. Ava s’approche de lui, lui tapote la main « Peut-être que tu peux essayer de capter son signal et de le désactiver comme ça ? » lui propose t-elle. Ce serait plus facile que de trouver ou fabriquer un scanner pour la trouver. La puce était un émetteur, donc il y avait bien un signal qui en partait. Logiquement. Et Joden était le genre d’homme avec les capacités pour s’en débarrasser définitivement. Après si il voulait la localiser précisément pour l’enlever, libre à lui de le faire. Enfin, il était constructeur de droïde, pas un hackeur… Que savait-elle de lui désormais ? Pas grand-chose même si les années n’avaient pas l’air de l’avoir changé. La seule qui était différente, c’était elle.

Est-ce qu’elle tenait à son droïde ? Absolument pas. Elle considérait son droïde comme un vieux tas de ferraille rouillé. Elle l’avait obtenu en même temps qu’elle avait acheté son vaisseau quelques années auparavant. Joden demanda à GG resté à la boutique d’envoyer un droïde R4, et le droïde répondit. Elle sourit. Marrant ce droïde en fin de compte, ça faisait toujours de la compagnie. Elle observa le droïde R4 qui s’avança. Joden lui expliqua ensuite toutes les caractéristiques et les modifications en plus. Il tapote la tête du droïde nonchalamment. Reconnaissance faciale, base de données, il pouvait lui fournir des avis de recherches. Ce serait une nouveauté. Ce que Joden ignorait c’est qu’Ava n’étais pas une chasseuse de prime lambda, mais comment lui en vouloir ? C’était elle qui lui mentait sur ses véritables activités. Il ne pouvait pas savoir qu’elle aimait à avoir l’exclusivité d’une chasse, même si elle était obligée comme tous les autres chasseurs de devoir se battre parfois pour une cible. Premier arrivé, premier servi.

« J’espère qu’il te conviendra. Je t’en prie prends le, en souvenir du temps passé. » Il lui convenait. Ava sourit et hocha la tête, sentant qu’il était de toute façon impossible de tenter de négocier avec lui. « D’accord, mais laisse moi te donner mon vieux droïde à la place, peut-être que ses pièces te seront utiles. Et je tiens aussi à t’inviter à aller boire un verre, si tu sors de ta boutique de temps en temps. » C’était la moindre des choses. Elle aurait pu payer ce droïde, elle en avait les moyens. D’ailleurs, elle l’aurait fait sans hésiter, et avant même qu’il ne le lui demande. Mais, si il le lui offrait, elle n’allait pas refuser. Elle tenait simplement à le remercier.

Elle comprends cette envie qu’il a de se débarrasser de l’émetteur pour de bon. Ava l’aurait sans doute fait si sa puce n’avait pas été si habilement placée dans un endroit difficile à atteindre. Savoir qu’elle avait toujours cet émetteur en elle… cela pouvait faire peur. Certaines personnes, certains humains plutôt se modifiaient le corps exprès pour en améliorer les performances. Ava ne comprenait pas qu’on puisse faire cela volontairement. Certes, parfois, on pouvait perdre des doigts, une main, un bras, une jambe, et à ce moment-là, il était heureux qu’on puisse se faire mettre des membres cybernétiques à la place. Mais l’idée de le faire volontairement… Ava en frémit.
Elle remarqua également que la nouvelle l’avait sans doute encore plus atteint que  ce qu’elle ne pensait car il se mit à tapoter ses avants bras. En baissant les yeux sur ces derniers Ava remarqua de nombreuses traces dues à la prise de quoi… de drogues ? Ou autres substances du même genre. Un sourire triste se dessine sur ses lèvres. On a tous nos propres démons, le sien, c’était le sang. Elle tuait des gens, sans arrêt. Certes c’était son métier, mais qui aimait tuer, à part elle ? C’était pire que de se droguer encore. Elle resta donc silencieuse, mais fut soulagée lorsque Joden accepta finalement d’aller boire un verre -ou plusieurs- avec elle. «  Je t’apporterai le droïde avant de partir » promit-elle tout en le regardant aller chercher sa veste et sécuriser la boutique. Elle observa avec intérêt la balais de l’activation des divers droïdes de sécurité. Eh bah, les voleurs n’avaient qu’à bien se tenir !
Elle l’attendit devant la porte tandis qu’il parlait à GG. Et il l’y rejoignit quelques instants plus tard. Le temps avait l’air de s’être un peu calmé dehors, tant mieux. Il avait l’air… content de sortir. Et Ava ne put s’empêcher de lui rendre son sourire tandis qu’ils se dirigèrent vers la cantina la plus proche. Fort heureusement cette dernière n’était pas trop fréquentée et il restait de nombreuses tables libres. Elle n’était aussi pas trop bruyante pour le moment. Ava fit signe au barman de lui servir un verre tout en s’installant à une table. Elle se retourna vers Joden « Qu’est-ce que tu prends ? » Ava n’était quand à elle pas difficile niveau boisson, elle prenait de tout, absolument tout. De l’alcool, même le matin, sans soucis. De là à bien tenir l’alcool c’était une autre question, elle trouvait qu’elle se débrouillait plutôt pas mal.
Elle le fixe, avec son visage avenant et ses yeux pétillants. Ses mains sont sagement posées devant elle sur la table en attendant son verre. Si seulement il savait la vérité sur elle... La traiterait-il de la même manière? Elle se le demande. Ava tait sa profession, sa véritable profession à tout le monde.

Un Cassandran Sunrise. Il attaquait fort dès le début mais cela ne posait pas de problème à Ava qui s’éclipsa le temps d’aller en commander deux. Elle le suivrait. Elle n’avait pas de boissons préférées, tant que c’était fort, c’était bon. Elle se moquait du goût, ce qu’elle voulait c’était sentir le feu dans sa gorge, et le brouillard dans sa tête ensuite. Heureusement que son vaisseau avait un mode de pilotage automatique, c’était fort utile quand on abusait un peu trop.
Une fois leurs boissons servies, Joden lui demanda comment elle s’était enfuie. Elle avala une gorgée qui lui brûla l’oesophage. Le fixe un bref instant avant de reporter son regard sur le breuvage que ses mains entourent.Il enchaîna en disant qu’il comprenait si elle ne voulait pas parler de ça. C’était gentil, mais inutile. Cela ne la gênait pas vraiment. C’était son histoire, sa vie. Il lui avait expliqué sa situation. Elle pouvait bien lui raconter ce qui s’était passé dans sa vie à elle.

«  Je me suis pas enfuie. J’ai été rachetée. » déclara t-elle, c’était la vérité. Elle ne s’était pas enfuie, elle ne se serait pas enfuie. Elle n’aurait jamais quitté sa mère ou risqué la mort pour la liberté. Elle avait toujours voulu vivre, même si c’était rester esclave à jamais. «  Il y a dix-neuf ans, mon père, m’a achetée. Il n’avait pas eu d’autres enfants, à part avec ma mère alors il est venu me chercher sûrement en se disant qu’une bâtarde valait mieux que pas d’enfants du tout » continua t-elle, de l’amertume dans sa voix. Son père n’en avait jamais été un, il ne lui avait jamais rien appris. Il l’avait juste récupérée avant de l’abandonner dans sa famille. Elle y avait été heureuse, autant qu’elle pouvait l’être, mais son adolescence n’avait pas été tendre ou douce, elle avait été marquée par les traditions de la famille Rist. Elle avait été entraînée sans relâche, punie lorsqu’elle faisait des erreurs et jamais récompensée. Tout cela pour, une fois son entraînement fini, elle soit mise à la porte. On lui avait dit qu’on lui avait donné toutes les clefs pour réussir, à elle de vivre sa vie désormais. Ce qu’elle avait fait. «  Il m’a amené sur Alderaan, d’où il est originaire. Comme la République ne reconnaissait pas l’esclavage j’ai été libérée automatiquement. » acheva t-elle tout en relevant les yeux, taisant les années qui avaient suivi.

« Ma mère… Je l’ai cherchée, des années plus tard. Mais je ne l’ai pas trouvée. Personne n’a de trace d’elle. Je ne sais pas si elle est vivante, ni si elle a été déplacée sur une autre planète. » Personne ne savait plus rien, pas même le Hutt auquel elles avaient appartenues. Il avait tant d’esclaves. Mais Ava était persuadée qu’elle n’était plus en vie. « Je ne me plains pas. Je suis libre, je sais qu’elle aurait été heureuse pour moi. » souffle t-elle avant de boire une autre gorgée. Elle se raccrochait à cette idée. Parce qu’elle savait que l’amour d’une mère était plus fort que tout. Toutefois, c’est le poing serré qu’elle ajouta, une pointe de douleur visible dans sa voix tandis que pour la première fois depuis très très longtemps ses yeux brûlèrent de larmes « Je n’ai même pas pu lui dire au revoir. » Et c’était ça, le plus difficile. Elle avait été rachetée alors que sa mère travaillait, et avait été emmenée aussitôt. Elle enfonce les ongles dans la paume de ses mains. Reprends-toi. Ne montre pas ta faiblesse.

Désolée. Ava ne l’est pas. Pas vraiment, elle ne parvient pas à l’être. Quand on a grandi en étant un esclave, on n’est jamais désolé de rien. On subit juste, et on attends que cela se passe. On sait que sa vie ne vaut rien, et on ne peut rien y faire. Alors Ava n’est pas désolée pour sa mère, mais cela la fait sourire que Joden soit désolée pour elle. Il n’a pas à l’être, Ava va bien. Elle pense qu’elle va bien, même si son coeur peut parfois étrangement se serrer lorsqu’elle repense à son passé. Elle espérait aussi qu’elle s’en était sortie «  C’est une question qui restera à jamais sans réponse. » répond-elle avec un sourire sans joie, vide. Est-ce que sa mère serait fière d’elle ? Qu’elle soit devenue une tueuse ? Sans doute. Elle n’avait jamais été élevée à la dure, mais avec amour, attention. Est-ce que sa mère imaginait tel destin pour sa fille ? Non. Mais elle aurait été heureuse de savoir qu’Ava était capable de se défendre seule.

Lorsqu’Ava entend les mots que prononce Joden, des mots durs envers lui-même, elle ne peut s’empêcher de poser sa main sur la sienne. Il se considérait comme un simple drogué. Ava sourit encore, toujours ce même sourire triste «  On a tous nos propres démons, Joden. Mais tu es plus qu’un simple drogué, tu es un talentueux fabricants de droïdes. » Quand à être entourés de droïdes et non pas de femmes, chacun faisait ce qu’il voulait non ? Elle hoche la tête à la dernière remarque de Joden, regrettant du même coup de ne s’être jamais arrêtée dans le coin toutes les fois où elle était revenue. «  Nous sommes libres. C’est tout ce qui compte. » le corrige t-elle gentiment. La liberté avait un prix, un prix qu’ils connaissaient tous les deux. Mais d’autres le connaissaient aussi, quand certains ne pouvaient que l’imaginer. Ava n’avait jamais pensé s’en sortir un jour et pourtant elle était là, sur sa planète natale, celle qui l’avait vue naître esclave et revenir libre.

Elle avale une gorgée de son verre avant de rompre le contact en enlevant sa main. Un sourire flotte sur ses lèvres «  Nous sommes libres et moi tout ce que je sais faire, c’est traquer et tuer des gens. » Elle repose son verre. Est-ce qu’elle se considère comme un monstre ? Pas le moins du monde.